Habitat participatif, la "copro" de demain
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LE MONDE | 16.11.2013 à 10h41 • Mis à jour
le 19.11.2013 à 09h05 | Laurence Boccara
Une petite consécration. Encore embryonnaire en France, l’habitat participatif, souvent présenté comme la « troisième voie » du logement, va bientôt bénéficier de nouveaux cadres juridiques.
Le projet de loi ALUR (accès au logement et un urbanisme rénové), en cours d’examen au Parlement, y consacre, en effet, un article (le numéro 22) qui l’officialise et lui donne les outils pour se développer.L’habitat participatif permet à des particuliers de réaliser ensemble une opération immobilière de cinq à vingt logements. Ces personnes élaborent un projet composé d’espaces privés (les logements) et partagés (buanderie, salle de réunion ou des fêtes, chambre d’amis, etc.).
Tous participent à la conception de l’immeuble et au choix des matériaux. La plupart mettent la main à la pâte lors de la phase de construction et assurent la gestion de la copropriété.
« On n’arrive pas sur ce type de projet par hasard. Cela relève d’une démarche active. C’est une façon de vivre ensemble même si nous avons tous notre espace privatif », explique Damien Artero, 35 ans. Ce réalisateur de films d’aventures vient d’emménager avec sa famille dans un duplex neuf de 75 m2, situé à Pontcharra-sur-Bréda (Isère). « Son » ensemble immobilier comporte huit appartements.
COÛT DE 5 % À 15 % INFÉRIEUR À CEUX DU NEUF CLÉS EN MAIN
Pour y vivre, Damien et sa compagne ont déboursé 200 000 euros. « Nous ne voulions pas d’un bâti au rabais. Nous vivons dans un bâtiment neuf, moderne et “solaire”, qui consomme moins d’énergie qu’il n’en produit. C’est un lieu de résidence adapté à notre mode de vie. Nous profitons des 2 600 m2 de jardin, d’un atelier et d’une laverie », se réjouit-il.
Le coût de construction de ces logements est généralement de 5 % à 15 % inférieur à ceux du neuf clés en main. Ce rabais équivaut à la marge empochée par le promoteur. Mais au bout du compte, le montant déboursé est quasiment le même, car les détails de conception sont plus sophistiqués et les matériaux plus coûteux. Autant de choix destinés à minimiser, ensuite, les charges de fonctionnement de l’immeuble.
Ce genre de projet met généralement entre trois et cinq ans, voire davantage, pour aboutir. « Il ne faut pas se décourager car certaines étapes comme la recherche d’un terrain et d’un financement sont difficiles », explique Claire Viallon, coprésidente de l’association Eco Habitat Groupé.
« Cela fait trois ans qu’avec les autres membres de notre groupe nous cherchons un terrain d’au moins 500 m2 à Pantin, Aubervilliers ou Romainville. Nous nous sommes fait souffler une fois le foncier par un promoteur », témoigne Claude Vicente, une engagée de la première heure.
Quelques associations et opérateurs se sont spécialisés pour guider les particuliers dans l’avancement de leur projet. « Nous les aidons à constituer des groupes et parfois à trouver un terrain », explique Julien Maury, fondateur du cabinet parisien COAB. Basées en Isère et dans l’Aveyron, les associations Relier et Les HabiLes informent et assurent le relais entre ceux qui sont tentés par cette aventure.
« LIEN SOCIAL »
En milieu urbain, l’habitat participatif est naissant mais il est encouragé par certaines villes comme Grenoble, Montreuil, Toulouse, Lille et Strasbourg, des communes membres du Réseau national des collectivités pour l’habitat participatif.
Pionnière du genre, la capitale d’Alsace a décidé, dès 2009, de réserver des terrains pour ce type d’opération. « C’est une façon de se laisser du temps pour lancer un appel à projets, de sélectionner un dossier solide porté par des habitants motivés et de les accompagner dans leur démarche », explique Alain Jund, adjoint au maire de Strasbourg chargé de l’urbanisme, du plan local d’urbanisme, des économies d’énergie et des écoquartiers.
Actuellement, quinze projets sont en cours à Strasbourg, soit 120 logements avec des opérations impliquant de cinq à vingt-cinq ménages.
Même volonté politique à Lille, où une initiative analogue a été engagée en 2011. « Cette forme d’habitat crée du lien social et permet aux citoyens de mieux s’approprier l’endroit où ils vivent et donc de valoriser leur quartier », ajoute Audrey Linkenheld, députée et conseillère municipale chargée du logement à la mairie de Lille.